Complicités chorégraphiques #2
Un atelier-rencontre
Texte introductif de Fanny Brouyaux à cette deuxième Complicités Chorégraphiques.
Cela fait 12 ans que j’ai fait mon premier « travail » de regard extérieur. Je mets « travail» entre guillemets parce qu’il n’était pas rémunéré la première fois. Et jusqu’il y a peu n’était valorisé dans mon imaginaire et inconscient profond comme « travail », qu’une activité professionnelle régulière, rémunérée, visible et un minimum souffrante quand même, je dois l’avouer. Malgré une éducation athée, progressiste de gauche, malgré un environnement artistique soit disant en « marge », ce schéma était, et est toujours extrêmement ancré en moi et me demande une gymnastique psychologique quotidienne, une « foi » presque religieuse pour y croire. Oui, être artiste c’est un “travail”, mais être “regard” , je pense, c’est bien un « travail » aussi. D’autres crédits que « regards extérieurs » sont apparus dans ma carrière de “regard” suivant les conversations avec les artistes porteur.euse.s de projet et selon les réels engagements dans le travail.
-Dramaturge: Quand on finissait par passer des heures au téléphone jusqu’à 23h du soir pour penser les contenus ou calmer les angoisses de l’artiste en crise de légitimité, alors j’ai dit : « ...là je suis plus tout à fait extérieure non ? Et il me semble qu’on pense le fil rouge ensemble non ? Que je fais un peu le garde-fou de tes intentions et que je t’apporte d’autres références non ? C’est pas un peu un.e dramaturge ça? » Mais c’est vrai que « dramaturge » ça faisait un peu hyper-universitaire-prétentieux et tout ça...c’était difficile à oser, mais bon, on l’a fait, on y est allé au culot.
-Coach chorégraphique
Quand il s’agissait, en fait, plus de performance que de danse réellement et que l’artiste porteur.euse désirait travailler le corps mais ne considérait pas en avoir l’expertise ou du moins pas à l’endroit de la technicité du corps, ou quand le projet était plutôt théâtral en fait mais qu’un travail du corps était présent, alors je suis venue pour travailler des moments précis ou proposer des mise en corps des performers.
-Regard ponctuel
Quand le temps de l’intervention était vraiment très ponctuel : 1 ou 2 discussions + 1 ou 2 visites en studio sur toute la durée de la création avec des temps de retours, des suggestions de nouvelles pistes de travail.
-Renfort chorégraphique, assistante, etc…

Plus le temps avance, plus je tente de jongler avec les différentes formes que ce rôle peut prendre, en essayant de comprendre les réels besoins des projets mais aussi en essayant de plus en plus de respecter mes besoins du moment et d’être de plus en plus habile dans la conjugaison des deux. Et c’est une chance de pouvoir faire cela, j’en suis consciente, c’est de plus en plus gai ! J’adore!
Mais comment mettre au clair cette jungle des crédits et leurs limites....
Comment redimensionner...
et penser...re-valoriser certaines compétences, certains rôles, en ayant souvent très peu de moyens ?
Plus le temps avance, plus je tente de jongler avec les différentes formes que ce rôle peut prendre, en essayant de comprendre les réels besoins des projets mais aussi en essayant de plus en plus de respecter mes besoins du moment et d’être de plus en plus habile dans la conjugaison des deux. Et c’est une chance de pouvoir faire cela, j’en suis consciente, c’est de plus en plus gai ! J’adore!
Mais comment mettre au clair cette jungle des crédits et leurs limites....
Comment redimensionner...repenser...re-valoriser certaines compétences, certains rôles, en ayant souvent très peu de moyens ?
Comment les valoriser concrètement et/ou
symboliquement à nos propres yeux et surtout comment se soutenir les un.e.s les autres malgré l’hyper concurrence de notre secteur qui malmène nos amitiés, nos familles, nos relations de travail, toutes nos relations humaines au final ? Parmi les ressources que j’ai mise en place pour moi-même, jusqu’ici et dont je suis la plus fière, il y a :
Garder de l’humour et proposer les complicités chorégraphiques à la Bellone pour rencontrer mes pairs et commencer par mettre en commun nos expériences.
Merci donc aux 11 complices qui ont été présents pour cette édition et pour le travail collectif accompli ces deux journées. Merci pour leur enthousiasme, disponibilité, leur partage d’expériences et l'expertise sensible et précieuse de leurs regards.
Les crédits
Les participant·e·s des complicités ont débuté la session par une présentation avec la notion de crédits.
Jason Respilieux
« Moi c’est Jason Respilieux, né à Bruxelles, encore vivant à Bruxelles, malgré pas mal de voyages. J’ai beaucoup de casquettes. Du coup, je me suis dit, ok, si je viens ici pour les complicités chorégraphiques, avec ce sujet-là, du coup c’est en tant qu’ assistant chorégraphique mais je suis aussi interprète et chorégraphe. Mais aujourd’hui, je dirais boule à facettes, créateur de liens puisque c’est ce qui m’anime en fait, être occupé avec pas mal de disciplines, pas mal de fonctions différentes et trouver un équilibre entre tout ça.
Je suis à la fois sur scène, devant les projecteurs et à la fois derrière… »
Juliette Salmon
« Juliette Salmon. Moi à un moment c’était plutôt le couteau suisse» mais aujourd’hui je suis actrice, et le mot qui me va bien quand je suis en dehors du plateau plutôt que assistante c’est coach. Dans le sens du coach sportif que je définis comme un être sans ego et sans pitié au service de ceux qui font. Sinon je suis aussi cofondatrice d’un lieu et dans ce cadre-là, j’ai choisi le terme cheville ouvrière parce qu’on travaille dans une ancienne usine et puis ça me plaisait bien d’être une partie du corps. Mais le terme : « cheville ouvrière » ça va pour les « déjà-alliés », pour les institutions, c’est plus compliqué. Alors, coopératrice artistique, ça met tout le monde d’accord, les “alliés”, les “pas encore alliés” et les institutions »...
Jeanne Colin
« Moi c’est Jeanne Colin. J’ai travaillé exclusivement dans le milieu chorégraphique, à Bruxelles, en Suisse, en France et j’habite à Bruxelles depuis une quinzaine d’années.
J’ai été créditée principalement danseuse-interprète mais aussi assez rapidement regard extérieur, regard ponctuel, doublure, reprise, enfin littéralement c’est écrit : « reprise », assistante, … je suis porteuse de projet, chorégraphe aussi et plus récemment membre fondatrice… »
Arnaud Timmermans
« Arnaud Timmermans , je travaille à la bellone en tant que dramaturge responsable de la documentation. En général je suis crédité comme dramaturge mais cela n’a pas toujours été le cas, anciennement j’étais crédité: chargé de production, responsable de production, directeur de production… c’est venu petit à petit ce terme de dramaturge, grâce à plusieurs formations. Je l’aime bien ce terme, il permet une valorisation sociale de toute une foule de rôles qui sont très discrets, très intuitifs, très relationnels beaucoup plus que ce qu’on imagine… »
Baptiste Conte
« Bonjour Je suis Baptiste, je pense qu’aujourd’hui je peux me présenter en tant que chargé de projet, chorégraphe. Avec Jeanne et Jason on est cofondateurs d’une structure aussi. J’ai eu un nombre incalculable de crédits dans le passé, sachant que j’ai un parcours dans les arts plastiques et la danse, c’est un florilège assez complet. En voici quelques-uns que je peux vous partager : on m’a crédité scénographe, assistant, interprète, regard extérieur et même secrétaire. »
Mathilde Sannier
« Je suis Mathilde et j’ai plusieurs activités, plusieurs casquettes. Je me nommerais comme accompagnatrice, un terme qui me convient bien. Un terme peut-être un peu fourre-tout mais il transcrit bien là où je situe mon travail: à côté et avec les artistes.
Je suis aussi chargée de projet et je travaille avec un journal de critique, j’écris des critiques, un métier non rémunéré. Ca me pose question, quand on fait des jobs non- rémunérés, c’est compliqué de les nommer. »
Flavie Duclos
« Comme Mathilde, je viens de Lille. Avec elle, on a créé une association « regards complices », dont l’objet est d’accompagner les chorégraphes à la création, en studio surtout sur l’aspect dramaturgique donc pas de production et d’administration. Par contre on fait aussi le travail de médiation des pièces. Au début on était parti sur le terme dramaturge en danse mais en France le mot « dramaturge », c’est très lié au théâtre, à l’écriture de texte, donc on a choisi de se nommer accompagnantes. Le terme “accompagnantes” est imposé dans une charte que l’on fait signer aux artistes que l’on accompagne… »
Yota Dafniotou
Je m’appelle Yota. Je travaille depuis 10 ans à Contredanse. Au centre de documentation. Je n’aime pas le terme « crédit », il me fait penser à la banque. Je suis une sédimentation. J’ai 60 années de vie sur terre d’expériences réussies, ratées. Je me sens sédimentée à travers tout ça. J’ai une formation de danseuse. Danse moderne, danse contemporaine. La pratique de l'improvisation dansée a été une merveilleuse découverte qui m'accompagne toujours aujourd'hui. L’instant, être dans l’instant. J’ai aussi fait œil extérieur. J’ai été à tous les étages de ces métiers. J’ai rencontré énormément de gens. Je pourrais me définir comme une tisseuse de lien, une courroie de transmission.
Céline Curvers
Je suis CO-, je déteste être toute seule, je ne fais que des trucs avec plein de gens.
J’ai co-créé une compagnie, co-crée une association, un lieu.
Après avoir été blessée, enceinte j’ai arrêté de danser, alors, je suis devenue assistante, œil extérieur. J’ai co-chorégraphié , jai co-porté des projets. Je suis partie en Afrique.
J’ai travaillé avec des gens là- bas, un chorégraphe là-bas. Voilà, j’ai essayé d’arrêter plein de fois, de quitter ce milieu, plein de fois. C’est vrai, mais avec toujours le manque. Alors j’y reviens toujours. J’ai créé le festival danses avec les foules aussi presque toute seule que je programme aujourd’hui avec Harrold Henning et Colline Etienne.
Laura Loreley
« Je viens de la Nouvelle Calédonie du coup je suis française. Je suis danseuse, interprète et chorégraphe. J’ai été souvent crédité avec le soutien de… merci à… J’ai co-géré un lieu, co-organisé des évènements et créé un évènement Drag. Je suis en train de créer un projet aussi. Je me pose la question, est ce que je suis co-organisatrice, co-créatrice… ?
Maria Eugenia Lopez
“J’ai eu une formation de danseuse. Je suis interprète et j’ai dansé pour plusieurs compagnies. Depuis 10 ans, je fais mes projets à moi aussi. Je n'assumais pas le mot chorégraphe, je disais « je fais un projet ». Même encore maintenant, je n’aime pas vraiment ce terme. Porteuse de projet en étroite collaboration avec les danseurs ou danseuses, je préfère. J’ai été créditée assistante chorégraphique pour 2 projets aussi mais je n'ai pas toujours trouvé ce terme très juste. Tisseuse de liens, j’aime bien, parce que ça met en valeur le travail d’équipe en fait…”











